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Tristan
et Iseult
Le roi Marc était pressé par ses barons de se marier afin qu' il eut un
héritier, mais lui ne savait qui choisir pour épouse. Aucune femme ne
lui plaisait vraiment. Pensif, le roi admirait le rougeoiement du soleil
sur la mer quand il fut intrigué par deux hirondelles qui entrèrent par
la fenêtre. Elles laissèrent échapper de leur bec un long fil d' or et
s' éloignèrent en lançant un strident cri d' adieu. Le roi ramassa le
fil souple et soyeux et l' examina avec attention. " Un cheveux d'
or" s' écria-t-il. Il lui vint alors une idée.
Le roi réunit ses barons et leur dit: " mes amis, j' ai reçu un présage!
J' épouserai celle à qui appartient ce cheveu." Surpris les barons
se passèrent le prodigieux fil d' or de main en main, sans bien sûr
pouvoir avancer le moindre nom. Le roi se crut tiré d' affaire, mais
Tristan, son neveu bien-aimé, s' exclama :
" Je ne connais qu' une femme au monde qui puisse avoir de tel
cheveux : c' est Iseult, la fille de Gormond le roi d' Irlande ."
A ce nom, les visages se figèrent car Gormond était le pire ennemi du
roi Marc. Tristan annonça alors qu' il irait en Irlande demander la main
d' Iseult pour son oncle. Cela était très risqué car un an plus tôt,
Tristan avait tué en combat singulier le terrible Morholt, un oncle d'
Iseult.
Quelques jours plus tard, il débarqua en Irlande habillé en simple
marchand pour ne pas être reconnu. A peine le pied à terre, il fut
surpris par l' animation inhabituelle : des centaines d' habitants s'
enfuyaient en désordre. Tristan arrêta un passant qui lui apprit qu' un
horrible dragon voulait une fois de plus dévorer une proie dans la ville.
Avant de s' éloigner, l' homme ajouta que le roi Gormond avait promis de
donner sa fille en mariage à celui qui réussirait à tuer ce monstre. Le
lendemain, épée au côté, juché sur son meilleur cheval, Tristan se
mit en route vers le marais pestilentiel où vivait le dragon. Le cœur
battant, il avançait seul dans un paysage de cauchemar quand il croisa un
cavalier qui s' enfuyait au galop. Au même instant retenti un cri
terrible, le sol trembla de plus en plus fort et l' horrible dragon
apparut.
Sans hésiter, Tristan éperonna son cheval et se jeta sur le monstre ,
qui ne s' attendait guère à cette attaque. Profitant de l' effet de
surprise, le chevalier lancé à pleine vitesse, lui planta profondément
sa lance dans le cou de l' animal. Blessé, le dragon rugit, cassa net la
lance puis cracha un torrent de flammes. Tristan désarçonné recula. Il
dégaina son épée et se redressa, mais aveuglé, il ne put éviter un
violent coup de patte. Sous le choc son écu vola en éclats et, à demi
assommé, il s' abattit sur le sol. Inerte.
Le monstre, certain de sa victoire, s' approcha de sa victime et ouvrit
toute grande sa gueule pour l' avaler. Alors Tristan, animé par l' énergie
du désespoir, planta son épée au plus profond de la gorge de la bête.
Mortellement atteint, le dragon s' effondra en hurlant. Oubliant sa
douleur, le jeune homme se redressa et trancha la langue du dragon comme
preuve de son exploit. D' un geste irréfléchi, il la glissa dans sa
chausse comme le faisaient certains chasseurs après avoir tuer un fauve.
Tristan fit quelques pas mais ressentit aussitôt une douleur violente à
la jambe : au contact de sa peau, le venin de la langue agissait. Il
tituba, sa vue se brouilla et il s' effondra.
Aguinguerran, le cavalier fuyard qu' avait croisé Tristan, s' était arrêté
sous un grand chêne et avait suivi les péripéties du combat. N'
entendant plus de bruit, il revint lentement sur ses pas. Stupéfait, il découvrit
le corps du dragon et les débris de l' écu. Ne voyant pas Tristan, il en
déduisit que le dragon l' avait dévoré avant de succomber. Il trancha
la tête du monstre, l' attacha derrière sa selle et s' élança au galop
vers le palais, criant à tous qu' il était vainqueur. Mais Aguinguerran
était célèbre pour sa couardise et le roi demanda un délais avant de
lui accorder la main de sa fille. Iseult, affolée à l' idée d' épouser
le violent et vulgaire Aguinguerran, quitta discrètement le palais en
compagnie de sa mère et de sa fidèle servante. Toutes trois se rendirent
sur les lieux du combat et fouillèrent le marais. Elles trouvèrent
Tristan inanimé et méconnaissable. Les trois femmes décidèrent de le
ramener discrètement au palais. Au moyen d' herbes magiques la reine élabora
un contrepoison contre la langue du dragon.
Réveillé Tristan raconta son histoire. Persuadées de la traîtrise d'
Aguinguerran, les trois femmes réussirent à convaincre le roi d'
accorder sa grâce pour le meurtre de Morholt. Quelques jours plus tard,
Tristan enfin guéri, pénétra dans la grande salle d' honneur ou étaient
réunis tous les barons. Aguinguerran entra , traînant derrière lui la tête
du dragon. Il la déposa devant le roi et affirma être le vainqueur.
Tristan sortit alors la langue du dragon et la montra à tous. Confondu,
Aguinguerran fut banni du royaume.
Tristan dévoila enfin le vrai but de sa mission : obtenir la main d'
Iseult pour son oncle. Le roi y consentit ce qui fit pâlir Iseult qui
avait cru épouser Tristan. La reine avait tout compris de la déception
de sa fille. Elle prépara un philtre d' amour si puissant que rien ne
pourrait plus jamais séparer l' homme et la femme qui l' aurait bu. Elle
confia le précieux flacon à la fidèle servante d' Iseult avec mission
d' en faire boire le contenu aux nouveaux mariés le jour des noces.
Par une belle journée d' été, Tristan et Iseult embarquèrent pour l'
Angleterre. Dans la soirée ils eurent soif. La servante leur prépara un
breuvage rafraîchissant, mais en manipulant les flacons dans l' obscurité,
elle les confondit. Et, sans le savoir, ils burent le philtre. Désormais
ils étaient liés l' un à l' autre.
En Angleterre le roi Marc épousa Iseult. Mais une vie difficile, parfois
errant attendait Tristan et Iseult. Nul ne pourrait jamais les séparer.
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